« Je suis une femme indigène, mais je ne pratique pas la MGF»
La première alerte a été sonnée en 2007, lorsqu'une nouveau-née indienne est morte au cours d'une procédure traditionnelle d'excision du clitoris. Un agent des autorités locales a alerté les médias nationaux, et la Colombie a rejoint les rangs des pays connus pour pratiquer la mutilation génitale féminine (MGF).
Ce que des générations d’Embera Chami appellent « le remède » cache en fait une réalité pénible que beaucoup pensent n'exister exclusivement que dans certains pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est. Bien que de nombreux Embera considèrent la MGF comme une forme de purification et de nettoyage, la signification culturelle de la mutilation génitale féminine est peu claire, même parmi les nombreuses personnes qui la pratiquent.
« Personne ne sait véritablement, pas même les sages-femmes ! » s'exclame Martín Siagama, un leader local et membre du conseil régional indigène de Risaralda (CRIRES) qui avait pris l'initiative d'entreprendre un long travail d'auto examen et de réflexion sur cette coutume parmi la communauté Embera.
La mort du bébé a entraîné la création du mouvement «Embera Wera » (les femmes Embera). Ce dernier, avec l'appui du Fonds-OMD, a pour objectif de lutter pour transformer la pratique de la MGF au sein de la communauté elle-même, et lui trouver une alternative susceptible de remplacer la signification de cette pratique dans la culture Embera sans aucun risque pour la santé des petites filles.
Selon Siagama du CRIRES, les recherches de la communauté Embera ont montré que cette pratique n'était pas traditionnellement indienne, mais avait été apportée par les Européens il y a plus de 500 ans. Rien que pour cela, dit Siagame, il faut y mettre fin.
Le mois passé, le congrès du peuple Embera a ratifié une décision de la communauté bannissant la MGF dans l'ensemble du département occidental de Risaralda en imposant des amendes et des sanctions à ceux qui la pratiquent.
« Je suis une femme, je suis une Embera, mais je ne pratique pas la mutilation génitale féminine !, affirme Norfilia Caizales, une conseillère du CRIRES représentant les femmes, en répétant le slogan de la campagne. Depuis 2007, nous avons cherché d'autres moyens pour autonomiser nos filles, et le temps est venu de dire « maintenant c'est fini » à la pratique de l'excision génitale ».
Les organisations de droits de l'homme et les groupes de défense des intérêts de la femme estiment qu’entre 100 et 130 millions de femmes dans le monde sont soumises à la MGF. En ce qui concerne la Colombie, et selon des experts, trois ou quatre filles Embera meurent chaque année des complications de la procédure.
Les Embera Chami, un des 30 groupes autochtones en Colombie, ont durant toute leur histoire vécu dans des conditions très vulnérables caractérisées par une pauvreté extrême, l'exclusion et la discrimination.
Le résultat le plus visible de la campagne «Embera Wera » est l'engagement de la communauté à éliminer la MGF. Cependant, le programme a également encouragé d'autres initiatives destinées à aider les femmes à participer aux processus de décision et à connaître leurs droits, par exemple la création d'une faculté de droit ou la tenue du premier congrès des femmes Embera.
Miriam Nengarabe, une Embera, explique que la valeur des femmes indigènes a été au cours de l’histoire méconnue dans leur communauté, mais aujourd'hui, grâce à l'éducation et à l'organisation, les femmes commencent à reconnaître leurs droits : « parce qu’en fin de compte les femmes sont aussi des êtres humains, comme les hommes ».
L'initiative «Embera Wera » qui regroupe 25 000 femmes indigènes à Risaralda, est appuyée par le gouvernement de Colombie et par le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), et collabore avec les autorités indigènes et les membres des communautés.
Cette initiative fait partie du programme conjoint des Nations Unies «Stratégie intégrale pour la prévention et la sensibilisation à toutes les formes de violences sexistes », un des 130 programmes financés par le Fonds-OMD dans le monde pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement en vue de la réduction de la pauvreté. Ces programmes se consacrent principalement aux femmes et aux enfants parmi les communautés les plus vulnérables et les plus marginalisées.
Pour de nombreuses femmes indigènes, la campagne «Ember Wera » de Colombie a marqué une étape importante dans leur autonomisation. « Nous avons pu sensibiliser de nombreuses femmes et leur parler de choses dont on ne discutait pas auparavant. Aujourd'hui, les femmes ont un mot à dire en ce qui concerne leur vie, nous n’avons plus peur de parler. Nous recevons des formations et nous en apprenons de plus en plus sur les droits de la femme, déclare Solany Zapata, une autre femme Embera Chami, qui dit « non à la MGF ».
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