La valeur des mots
Derrière son merveilleux sourire, Clotilde cache de terribles souvenirs enfouis depuis trop longtemps.
Mais un samedi après-midi, une brise fraîche souffla à travers les montagnes, et le silence habituel de San Luis, son village dans les Andes péruviennes fut rompu par la douce musique des cordes d’un charango.
L’ombre amicale d’un vieil arbre attira Clotilde et ses voisins vers quelque chose de très spécial. Les pas timides des jeunes femmes et l’approche lente et sereine des anciens du village contrastaient avec l’énergie débordante des enfants qui fonçaient sur la scène, bien curieux de voir Raul, le musicien au cœur de cette excitation.
Bien que Raul ait été vêtu du costume typique de cette région des Andes, personne ne l’avait encore vu. Pourtant, la beauté de ces chansons familières récitées dans leur langue maternelle a suffi pour que les personnes s’asseyent et écoutent.
Partager des histoires
« Je suis ici pour partager avec vous les histoires de mon peuple et de ma communauté, » annonça Raul, qui peu à peu gagnait la confiance des jeunes et des personnes âgées. Un peu plus tard, ils chantaient avec lui, unis par l’intensité d’un moment de souvenirs partagés. Et puis, tout le monde voulut raconter son histoire, certains en chantant, d’autres en parlant, tandis que d’autres les écoutaient avec attention. Enfin, Clotilde, chef du village, commença à parler.
Son sourire espiègle s’effaçait au fur et à mesure que ses mots jaillissaient, ne pouvant plus cacher la profonde douleur enfermée en elle. Clotilde avait subi en personne la violence des conflits armés qui ont déchiré la société péruvienne à partir des années 80 ; elle a vu les terroristes tuer ses amis et ses parents tandis qu’elle-même et sa famille furent battus et agressés. Chacun de ses mots reflétait les blessures qui étaient encore gravées dans son cœur.
Cet après-midi d’échanges et de confessions faisait partie du travail du F-OMD au Pérou, une initiative visant à susciter des conversations communautaires, à faciliter l’apprentissage et à améliorer la nutrition dans les collectivités autochtones appauvries, où près de la moitié des enfants sont atteints de malnutrition chronique.
Forger des liens pour une meilleure santé
La narration orale préserve la mémoire collective, renforce l’identité d’un peuple et permet de transmettre des valeurs culturelles et des connaissances locales. Elle renforce l’amour-propre des participants qui doivent surmonter leurs sentiments d’insécurité et leurs peurs pour améliorer et développer leurs propres capacités expressives, leur mémoire, leur imagination et leur assurance ; l’auditoire doit aussi apprendre à se concentrer, à réfléchir et à se souvenir.
L'initiative, qui utilise la tradition orale pour tisser des liens entre le narrateur et celui qui l’écoute, rassemble les familles autochtones et les agents de la santé à travers des liens qui permettront de transmettre des valeurs telles que l’importance de la bonne nutrition, de l’hygiène, de la quête d’un mode de vie sain.
Le Programme conjoint, « Amélioration de la nutrition et de la sécurité alimentaire chez l’enfant : approche axée sur le renforcement des capacités », s’insère dans le cadre des efforts déployés par le Fonds-OMD pour lutter contre les inégalités dans le monde, en aidant les gouvernements à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le Pérou, où le Fonds-OMD soutient des programmes dans les domaines de la nutrition, du développement du secteur privé, de l’adaptation au changement climatique et de l’emploi des jeunes, est l’un des pays les plus inégalitaires en Amérique Latine.
Cinq organisations des Nations Unies (UNICEF, OMS, ONUDC, PAM et FAO) collaborent au programme, qui a déjà profité à 4 661 familles. Il aide le gouvernement péruvien à mettre en œuvre la stratégie nationale ‘CRECER’ et à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition dans quatre des régions les plus pauvres du pays.